lundi 30 novembre 2015

LES SIRÈNES DE L'IMPATIENCE...


Surtout ne pas céder aux sirènes de l'impatience...
Dans une grande voie d'escalade artificielle de Montserrat, dans des cotations soutenues en A4 et riche en points foireux, quand le tps s'égrène à la vitesse du mur du son pour gravir 40 pauvres mètres, les sirènes de l'impatience se manifestent ainsi... 
-"vite atteindre ce trou juste au dessus qui semble "béton" pour un friend"
Ou bien : 
-"Le câble presque neuf de ce plomb déjà en place est très rassurant"...
Ou encore:  
"Cet emplacement de crochet qui finalement n'est pas si pire !"
Voici donc les rares consolations que veulent bien concéder ces longueurs (trop ?) exigeantes de la voie "Voodoo" que nous ne finirons pas (voir le topo ici)...mais de toutes façons, si vous vous jetez trop vite sur ces maigres espoirs de repos mental, le plomb ou le crochet qui vous tenez jusque la, peut encore se dérober lors de vos gesticulations...vous courez alors le risque
1)d'un bon vol
2) d'avoir à recommencer tout ou partie de la longueur pour cause de "dégrafage" des points en dessous ! 
 
Si vous pensez trop tôt à votre arrivée au relais, au confort du portaledge, au réchaud qui ronronne, voire à  votre chérie sous la couette, c'est mort...! Ce n'est pas nouveau en artif, mais le tps n'a plus cours dans les longueurs technologiques. Avec Romain, nous savions tout cela...les longueurs d'A4 du Verdon, celles du Quié de Sinsat en Ariège, la mythique voie "aurora" sur "El Capitan" dans le Yosemite affichant les 1eres longueurs d'A5 dans les années 80  (A4/+ aujourd'hui)  ne nous ont pas laissé autant la gorge sèche...

Au chapitre des réjouissances, il faut évidemment parler du cadre superbe que propose le versant Nord du mur de l'Aéri. Presque 300 mètres de quasi verticalité, dans notre dos, les plaines s'étirent jusqu'à Barcelone. Les nombreux monastères alentours, diffusent régulièrement le son de leur cloches. C'est très beau à entendre mais ne nous aide vraiment pas à lutter contre le sable qui s'écoule inexorablement au fond du sablier...
Récit: 











 

Romain qui n'a pas la sourie dans sa poche, glanera le maximum d'info pour nous rendre à Montserrat et tenter de comprendre comment est pratiqué l'artif par les grimpeurs locaux...
Au tout départ, nos ambitions étaient plutôt de découvrir des cotations plus "modestes" du type A3...et puis bon, nous nous sommes laissés tenter pour un peu plus dur... 


les 2 seuls bons pitons à poser sont...au tout départ !



Dave dans L1: A4/40 mètres


En fin de 1ere longueur, Romain me fabriquera une "canne à pêche" en bois pour y accrocher un mousqueton ouvert...j'y passerai ma corde pour choper un spit du relais ! Je lui revaudrais cela dans L5 pour choper le 1er spit...je passerais 8 heures dans cette longueur qui semble être le tarif normal. 





Romain au départ de L2: A4/20 mètres
Le ton est maintenant donné. Le rocher sera le même du premier au dernier mètre: Compact, raide, et illisible ! Romain découvre à son tour "la peine immense" d'être seul face à cette escalade en braille...! 










 Le soir, nous redescendons dormir au camion. Assez bien reposés, nous remontons le matin avec un peu plus de matos chaque jour, de flotte, de bouffe pour embarquer dans le mur le 4eme soir. 



Je m'élance (un bien grand mot !) dans ma longueur d'A3+ qui va s'avérer coter A4/40 mètres également avec aucun point vraiment béton et dont les 5 derniers mètres se font en libre...je couple (ouf) un bon friend + un plomb pour descendre en rappel / mouliné au relais...je finirais ces 5 mètres de libre demain matin avec pof et chaussons et allégé de tout mon matos au baudrier ! 
Pour info: J'ai (comme souvent sur ce rocher) posé un crochet "à l'aveugle". Je me suis rétabli dessus, j'ai bougé dessus...ET PAF ! "l'insoutenable légèreté de mon être" n'a pas suffit à m'éviter les lois de la pesanteur...Au final, le piton à moitié rentré en dessous à retenu ma chute. Miracle de la mécanique du "cisaillement"    











Ci-dessus un petit florilège des points que nous avons posé. En toute honnêteté, ils sont parmi les meilleurs ! les crochets foireux étant systématiquement récupérés dés lors que nous étions sur le point suivant, et bon nombre de plombs en place ou posés par nos soins ont contribué à nous faire "fumer les neurones"...la vérité ! 



Romain dans la trav de sa life...


Un sale début de longueur pour Romain. 6a+ sur le topo mais sans point avant la fissure dans 6 ou 7 mètres...la sanction, c'est "retour à l'envoyeur" à mac12 sur le relais confectionné seulement de qqs plombs et crochets (non ça c'est pas vrai je déconne !!!!) 




La suite, en mode mi-libre/artif donne accès au mur ou se cache 2 spits...A3+ tout de même jusqu'au relais 35 mètres après. 







Pendant que Romain grimpait sa longueur en se demandant surement ce qu'il foutait la, j'en profitais de me réchauffer (car en + il faisait pas chaud !) pour monter le ledge + la tente histoire de se mettre au chaud qd mon collègue finirait le job de nous faire avancer un peu plus haut...



...




Au matin, voici la vision désormais  connue de ce rocher plus muet qu'une carpe sortie de l'eau...


Nous avons des voisins aujourd'hui dans une classique en libre. Partis le matin même, ils sortiront avec encore pas mal de jour pour retrouver un chemin confortable de descente...pas juste ! 

Trouvez le spit...
Pour éviter l’errance totale, nous faisions des photos pour trouver le chemin le plus court pour ne jamais s'éloigner et perdre un temps précieux...





5eme longueur:  A4/40 mètres, C'est moi qui m'y colle. Dans ma tête, c'est clair: Si le rocher ne me permet pas d’accélérer un tant soit peu, je jette l'éponge...Comme attendu, je monte un peu, pose un crochet, installe plus haut un couplage de cale de bois et le piton qui va avec, retape un plomb en place et monte dessus, pose à nouveau un crochet,monte à fond et la...la vague cupule que me propose le rocher pour y mettre un de nos + petit plomb, n'a qu'à aller se faire foutre !! J'ai plus la tête, et plus haut, c'est sur, cela sera pareil, nous le savons maintenant.   
 


Romain, plein d'ardeur, dépasse de qqs mètres le point que j'avais atteint, bataille ensuite pour se protéger et tente qqs mouvements avant de capituler à son tour. Je lui fait parvenir le piquet de notre tente de bivouac avec un mousqueton scotché à son extrémité...il "clippe"le spit 3 mètres au dessus de lui...et c'est le demi-tour bordel, après 4 heures dans ces 15 premiers mètres...et le cerveau retourné !
Mais qui était ce grimpeur "Josep Maria Alcina" qui ouvrira en 96, en solo et en 12 jours cette voie ???  








Aprés une descente en rappel plutôt "facile", les sacs en bout de corde, nous voila lestés de nos sacs de 40kgs chacun...moins drôle ! Nous reprenons le canyon de montée en faisant parfois rouler les sacs.



En triant le matos aujourd'hui, c'est curieux, mais c'est bien l'envie de revenir à Montserrat qui ne fait aucun doute...Au regard des grimpeurs locaux qui ont fait déjà bon nombre de voies "à la maison", il est surement un peu normal d'avoir "résorbé comme des cleb's"...